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Les aberrations politiques 3

La perte de 40 milliards à la caisse de dépôt

HISTORIQUE DE LA CAISSE DE  DÉPÔT.

Texte tiré sur Wikipédia

La Caisse de dépôt et placement du Québec a été créée le 15 juillet 1965 par une loi du Parlement du Québec. Son premier rôle consistait à gérer le fonds du Régime de rentes du Québec, un régime de retraite universel également constitué par le gouvernement québécois.

Dans les années qui suivent, la Caisse se voit confier la gestion des fonds d’autres régimes publics de retraite ou d’assurances : le Régime supplémentaire de rentes pour les employés de l’industrie de la construction du Québec (1970), le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP) (1973); le Régime de retraite du personnel d’encadrement (RRPE) (1973) et le Fonds de la santé et de la sécurité du travail (1973). La Caisse concentre ses premiers investissements dans les obligations, avant de faire son entrée sur le marché boursier canadien (1967). Puis, elle crée son portefeuille de placements privés (1971) en investissant dans des entreprises québécoises. Dès 1974, elle gère le plus grand portefeuille d’actions canadiennes au Canada.

Entre 1975 et 1984, la Caisse adopte de nouvelles orientations d’investissements, en accordant une importance accrue aux actions et en accédant au marché immobilier. Ainsi, elle acquiert son premier immeuble de bureaux, le complexe Place Delta à Sainte-Foy (1980), et ses premières actions cotées sur les marchés boursiers étrangers (1983). En 1984, elle effectue son premier placement privé à l’étranger. En 1978, un autre organisme public, le Fonds d’assurance automobile du Québec, confie la gestion de ses fonds à la Caisse.

En 1989, la Caisse acquiert les actifs immobiliers de la chaîne d’épiceries Steinberg, constitués surtout de centres commerciaux. Elle diversifie également son portefeuille immobilier par des investissements à l’étranger. En 1994, la Caisse commence à gérer les fonds d’une autre institution publique : le Fonds d’amortissement des régimes de retraite. L’actif total sous gestion de la Caisse atteint 28 milliards de dollars en 1986.

En 1996, le groupe Immobilier de la Caisse est au premier rang des propriétaires d’immeubles au Québec et au deuxième rang au Canada. L’année suivante, des modifications législatives autorisent l’institution à investir 70 % de son portefeuille en actions, comparativement à une limite de 40 % auparavant. À partir de 2003, la Caisse obtient les meilleures cotes de crédit à court et à long terme des principales agences de notation de crédit : Moody's Investors Service (Moody’s), Standard and Poor's (S&P) et Dominion Bond Rating Service (DBRS).

En 2005 et en 2006, la Caisse procède à ses premières acquisitions d’envergure dans les infrastructures en investissant dans des aéroports à l’étranger, notamment l'aéroport Heathrow. L’année suivante, elle acquiert en partenariat la fiducie de placement Legacy Hotels, propriétaire du prestigieux Château Frontenac, à Québec. En 2007 et pour une quatrième année de suite, la Caisse se classe dans le premier quartile des grandes caisses de retraite canadiennes.

Au lendemain de la crise financière de 2008, au cours de laquelle la Caisse perd près de 40 milliards de dollars dans les PCAA, la Caisse adopte une série de mesures visant à augmenter son efficacité, à se recentrer sur ses compétences fondamentales et à renforcer sa gestion des risques pour soutenir le rendement à long terme.

En 2015, la Caisse compte 32 déposants et détient un portefeuille diversifié comprenant des titres à revenu fixe, des actions cotées en Bourse, des placements immobiliers et des placements privés. Actionnaire de plus de 4 000 entreprises au Québec, au Canada et à l’étranger, la Caisse est reconnue internationalement comme un investisseur institutionnel de premier plan.

Crise financière de 2008.

En 2008, la Caisse a perdu près de 40 milliards de dollars investis dans les PCAA et réalisé la pire performance de son histoire, perdant près du quart de son actif. Pour éviter une liquidation forcée et la cristallisation d'une perte de près de 20 milliards de dollars, le PDG de la Caisse de l'époque, Henri-Paul Rousseau, prend l'initiative d'effectuer une restructuration majeure des PCAA qui sont alors convertis en obligations à long terme. Cette restructuration s'avère une réussite. Cinq ans après la crise, ces pertes avaient presque toutes été effacées.

Texte de Richard LeHir écrit sur vigile.net concernant la perte de 40 milliards à la caisse de dépôt,  avant l’élection du parti Québécois en 2012.

Dans toute l’histoire politique du Québec, la déclaration de l’ancien président de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, Henri-Paul Rousseau, selon laquelle il faut attribuer à un « mystère de la vie » et à une « tempête parfaite » le fait que la Caisse détenait pour 13,2 milliards $ de PCAA en 2008 » est sans doute la plus méprisante pour l’intelligence des Québécois.

On se souviendra de 2008 comme l’année où la Caisse de dépôt allait subir une perte de 40 milliards $ pour connaître la pire performance de son histoire, comme elle devait l’annoncer aux Québécois éberlués le 25 février 2009.

Comme le soulignait fort pertinemment Pauline Marois quelques jours plus tard, en réclamant une enquête du vérificateur général sur la question :

« N’oublions pas que les pertes de 40 milliards de dollars à la Caisse de dépôt, ça veut dire 40 fois le Stade olympique. C’est 1 % de toutes les pertes à travers le monde, pour un petit État comme le nôtre » .

Sur ces 40 milliards $, un peu plus du quart sont donc attribuables au PCAA (papier commercial adossé à des actifs non bancaires), un euphémisme technique employé pour décrire des titres particulièrement risqués offrant, quand tout va bien, des rendements attrayants.

Le PCAA est écoulé sur le marché par l’entremise de « conduits » mis sur pied par des banques ou des promoteurs non bancaires.

« Les conduits forment le coeur du marché du PCAA. Ils émettent des effets, ou du papier commercial, en utilisant comme garantie un portefeuille d’actifs. Les conduits sont des fiducies établies par les promoteurs, qui en gèrent les activités et se chargent d’acquérir les actifs détenus par les conduits. »

Or les marchés financiers canadiens ont été ébranlés au milieu d’août 2007 lorsque environ 32 milliards $ de PCAA non bancaire ont été gelés parce que certains conduits étaient dans l’incapacité de renouveler leurs effets arrivant à échéance. Les conduits touchés représentaient 27 % du marché du PCAA, dont la valeur s’établissait à 117 milliards $.

La Caisse de dépôt de dépôt détenait donc à elle seule 13,2 des 32 à 35 milliards $ de PCAA ainsi gelés, soit plus de 35 à 40 % du total selon les sources consultées, une position qui explique qu’elle ait subi davantage de pertes que des institutions comparables comme les fonds Teachers (caisse de retraite des enseignants de l’Ontario) ou Omers (caisse de retraite des employés municipaux de l’Ontario).

Au vu des responsabilités de la Caisse de dépôt dans la gestion des fonds censés assurer la sécurité financière des Québécois à leur retraite, il faut se demander comment il se fait qu’elle se soit retrouvée avec une position aussi forte dans le marché des PCAA, d’autant plus que deux grandes agences de notation de crédit, Moody’s et Standard & Poor’s, pourtant peu regardantes à cette époque-là, avaient refusé de noter le PCAA non bancaire en circulation au Canada, jugeant ce marché trop risqué.

Après 2000, la seule agence de notation encore active dans ce marché est DBRS (Dominion Bond Rating Service), une agence canadienne basée à Toronto, et elle attribue au PCAA distribué par les conduits canadiens la note AAA. Il faut comprendre qu’une telle évaluation va permettre à des investisseurs assujettis à des contraintes juridiques ou institutionnelles (tels que la Caisse de dépôt) d’acheter des titres de cette catégorie, et elle dispensait les conduits de PCAA de l’obligation d’émettre un prospectus et de fournir une tonne de précisions et de garanties.

C’est là que survient dans le portrait une entreprise de Toronto, Coventree Inc., un de ces fameux promoteurs non bancaires qui servent de conduits aux PCAA, et Coventree a la singularité d’avoir la Caisse de dépôt et de placement à la fois comme actionnaire et comme client, une situation pour le moins scabreuse qui demeure à ce jour inexpliquée.

En effet, une institution comme la Caisse doit fuir comme la peste toute situation susceptible de la placer dans un conflit d’intérêts. Or, avant l’inscription de Coventree en bourse, en novembre 2006, la Caisse de dépôt en était le principal actionnaire, à hauteur de 28,9 % du capital.

La première question qui se pose est donc de savoir ce que la Caisse de dépôt faisait dans le capital d’une entreprise comme Coventree se spécialisant dans la vente de titres qu’elle serait susceptible d’acheter. Normalement, jamais la Caisse n’aurait dû se retrouver dans une situation pareille.

Pour qu’elle s’y soit retrouvée, trois cas de figure sont possibles :

1. Soit que le président ait reçu des instructions précises du premier ministre à cet effet ;

2. Soit que ce placement corresponde à une orientation stratégique de la Caisse ayant priorité sur son obligation de se comporter en gestionnaire prudent du patrimoine des Québécois ;

3. Soit qu’il ait été fait en violation des règles de la Caisse gouvernant la nature de ses placements.

« Je jure de dire ma vérité, pas toute la vérité. »

 

Le premier de ces cas soulève la question de l’indépendance de la Caisse à l’endroit du pouvoir politique, et les deux autres mettent directement en cause la responsabilité personnelle de l’ex-président Henri-Paul Rousseau. En effet, dans toute entreprise, les orientations stratégiques sont déterminées sous l’autorité du chef de la direction. Et dans toute entreprise, celui-ci est ultimement responsable de voir à ce que les règles de gouvernance, comme en constituent dans une entreprise de ce genre les règles relatives à la nature des placements qu’elle peut faire, soient respectées.

Aucun de ces cas ne répond à la définition d’un « mystère de la vie ». Or une stratégie élaborée va pourtant être mise en place pour que cette version s’accrédite.

En effet, l’annonce des pertes de la Caisse survient en février 2009. Or Henri-Paul Rousseau n’est plus à la barre de la Caisse depuis le 30 mai 2008, date à laquelle il a démissionné en annonçant qu’il se joignait au groupe Power Corporation du financier Paul Desmarais à compter du 1er janvier 2009.

Parfaitement au fait de la crise du papier commercial qu’il gère à l’échelle canadienne depuis qu’elle a éclaté en août 2007, Rousseau sait mieux que tout autre quelles vont être ses répercussions sur le bilan 2008 de la Caisse de dépôt. En démissionnant avant la fin du 2e trimestre, Rousseau met un maximum de distance entre lui-même et l’annonce des pertes. Cette distance va lui permettre d’afficher le détachement de celui qui n’a plus rien à voir avec toute cette affaire lorsqu’elle va se révéler dans toute son ampleur.

Quelques jours après l’annonce des pertes par le président du conseil de la Caisse, Pierre Brunet, et le PDG par intérim, Fernand Perrault, spécialisé surtout dans les placements immobiliers, tous deux incapables de répondre de façon satisfaisante à toutes les questions qui se posent sur les pertes encourues, on apprend que Henri-Paul Rousseau apportera des éclaircissements sur les déboires de la Caisse dans une allocution devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Le choix de ce forum ne s’explique pas autrement que par le désir de projeter une image de transparence. Mais en réalité, c’est le forum parfait pour une opération de relations publiques. L’auditoire est gagné à l’avance au message et à la personne du conférencier, et les questions, quand il y en a, ne sont jamais vraiment menaçantes. Souvenez-vous du triomphe de Micheline Charest de Cinar devant ce même groupe, peu de temps avant sa débâcle.

En choisissant une tribune de ce genre, Rousseau voulait prendre l’initiative du « spin », raconter l’histoire à sa façon – « C’était une tempête parfaite ! » - sans risque d’être contredit ou tassé dans les coins par des interrogatoires trop serrés. Et, « comme par hasard », courtoisie de La Presse, il reçoit le soutien des poids lourds de l’écurie Power, Lucien Bouchard et Pierre-Marc Johnson (deux anciens premiers ministres du Québec)

Lorsque Rousseau finit par se présenter le 19 mai 2009 devant la commission parlementaire chargée de faire la lumière sur les pertes de la Caisse, il parvient facilement à se défiler, même s’il doit essuyer une attaque ad hominem du député Amir Khadir, « Votre arrogance et votre mépris cachent une certaine lâcheté : vous avez préféré démissionner. ».

Tout compte fait, et la chose est suffisamment surprenante pour mériter d’être soulignée, c’est la chroniqueuse financière de La Presse, Sophie Cousineau, qui soulève la question la plus pertinente, celle qui est vraiment au coeur de toute cette affaire :

« Alors que cette commission parlementaire tire à sa fin, le Québec ne comprend toujours pas pourquoi la Caisse s’est gavée de papier commercial jusqu’à la toute fin. Même après que la firme Coventree, son grand « pusher », eut prévenu la Caisse que ses papiers commerciaux étaient contaminés par les hypothèques américaines à haut risque ! Devant les « signaux contradictoires », les gestionnaires de la Caisse se trouvaient dans la « confusion totale », a justifié l’ancien dirigeant. »

La réponse de Rousseau ne tient tout simplement pas la route. Si effectivement Coventree a pu vendre autant de papier commercial à la Caisse, c’est que la Caisse était également le plus important actionnaire de Coventree, et tant et aussi longtemps qu’on ne saura pas pourquoi, à quelles conditions, et dans quelles circonstances, la Caisse s’est retrouvée dans ce double rôle d’actionnaire et d’acheteur alors qu’elle connaissait le caractère douteux des titres qu’elle achetait, le mystère – car si mystère il y a, c’est bien là qu’il se trouve - demeurera entier.

Pour comprendre cette affaire, il est bon de rappeler qui sont les intervenants. En effet, ils ne se limitent pas au président de la Caisse et à son personnel. La Caisse est une société d’état qui relève du gouvernement par l’entremise du ministre des Finances.

Il s’ensuit donc que toute enquête éventuelle sur les pertes de la Caisse annoncées en 2008 devrait nécessairement se pencher sur les directives, officielles ou officieuses, qui auraient pu être données à la Caisse par le gouvernement Charest, et sur la connaissance que ce dernier pouvait avoir des décisions prises par la Caisse en rapport avec ses transactions de papier commercial.

En effet, de 2005 à 2007, le titulaire de cette fonction est le Libéral Michel Audet. La chose mérite d’être soulignée car il est l’un de ceux qui viendront à la défense d’Henri-Paul Rousseau au lendemain de sa prestation devant la Chambre de commerce :

« Je suis très content qu’Henri-Paul ait pu expliquer la situation et rétablir les faits, dit-il. Il est venu s’expliquer, ce qui est courageux (...) Je suis outré de voir à quel point les gens posent des jugements à partir de perceptions et non à partir de la réalité. »

Au moment où la Caisse déclare ses pertes, c’est Monique Jérôme-Forget qui est titulaire des Finances. On se souviendra qu’elle s’était réjouie de la nomination d’Henri-Paul Rousseau à la Caisse en 2002 lorsqu’elle avait été annoncée par Pauline Marois, alors ministre des Finances dans le gouvernement Landry :

 

« À cet égard, la critique libérale en matière de finance, la députée de Marguerite-Bourgeoys Monique Jérôme-Forget, ne brandit pas la hache de guerre, au contraire. « On n’a pas à la combattre [cette nomination] », a-t-elle dit. « On n’a rien contre Henri-Paul Rousseau, manifestement. C’est un homme qui a de grandes qualités. Je le connais personnellement depuis des années. »

Comme disait De Gaulle, c’est la république des copains.

Par ailleurs, il y a de sérieuses questions à se poser sur le comportement du gouvernement lorsque vient le temps de procéder au remplacement de Henri-Paul Rousseau. Quatre présidents se succéderont en un an : Henri-Paul Rousseau, Richard Guay, Fernand Perrault et Michael Sabia. Robert Tessier a été nommé à la présidence du CA et procède à l’engagement de Michael Sabia, un inconnu dans le domaine du placement, avec une rapidité qui transpire le scénario concocté d’avance.

« Comme par hasard », ce Sabia est proche des Desmarais (ce fait nous a été officiellement confirmé à l’occasion du séjour de Michael Sabia à Sagard), et fonce directement aux bureaux de Power dès sa nomination, ostensiblement pour y rencontrer son prédécesseur, désormais chez Power. Tout observateur le moindrement alerte ne peut s’empêcher de se demander si les affaires de Paul Desmarais et de Power n’ont pas un rapport avec les malheurs de la caisse, ce qui fait de ceux-ci d’autres intervenants sur le rôle desquels il faut se pencher.

Qui plus est, la Caisse détient des participations importantes dans les entreprises que contrôle Power ou dans lesquelles elle a des participations. Ainsi, pendant les années où Henri-Paul Rousseau était à la Caisse, celle-ci a renforcé sa présence dans ce groupe et a acquis de nouvelles positions :

« Au 31 décembre 2007, la Caisse détenait 4,6 millions d’actions de Power, représentant 187,5 millions de dollars. Elle possédait également des titres dans les filiales de Power, soit Corporation Financière Power (212,9 M$), Pargesa (500 000 $) et Groupe Bruxelles Lambert (5,4 M$). La Caisse avait aussi un investissement de 131 millions $ dans Total, la pétrolière française dont Power Corp est le principal actionnaire. »

Mais ces participations sont tout à fait normales vu la taille de la Caisse. Elles sont donc la portion de l’iceberg qui émerge. La plus grosse n’est pas visible. C’est tout l’écheveau des relations entre les entreprises que contrôle Power, celles dans lesquelles elle a des participations, et celles avec qui elle entretient des rapports croisés, et la Caisse, et ce sont ces relations qui ont une valeur inestimable pour Power car elles lui permettent de bénéficier de son poids, de son influence et de son levier sans qu’il lui en coûte quoique ce soit et sans qu’elle ait à assumer tout le risque.

L’existence de rapports éventuels entre les pertes de la Caisse et les intérêts Desmarais/Power peut d’autant moins être évacuée sans faire l’objet d’une enquête qu’elle est tout à fait compatible avec le modus operandi de l’Empire qui privilégie, aux dires mêmes du patriarche dans une entrevue réalisée par Konrad Yakabuski pour le Globe and Mail dans le cadre d’une série sur les grandes fortunes du Canada, le développement de rapports étroits avec les politiciens les plus influents pour favoriser le développement de ses affaires.

 

Cet élément d’information a été repris et développé sur le site Media Co-op par Andrew Gavin Marshall sous le titre « Meet Canada’s Ruling Oligarchy : Parasites-a-Plenty ! - Class War and the College Crisis, Part 7 » .

Le cas Power fait même désormais l’objet d’études universitaires sur cette question. Celle-ci, « Réseaux sociaux des membres du conseil d’administration et acquisition de ressources par la firme : une étude de cas » expose justement le modus operandi de Power.

Cette étude se situe dans une lignée de travaux récents qui se sont penchés sur les liens qu’entretiennent entre elles les grandes institutions financières du monde entier. Ainsi, la revue scientifique américaine New Scientist nous apprenait-elle récemment qu’une équipe de chercheurs suisses spécialisés dans les systèmes complexes, attachés à la très renommée École polytechnique fédérale de Zurich, avait cartographié ces liens pour déterminer dans quelle mesure ils pouvaient contribuer ou nuire à la stabilité du système économique mondial. Dans le contexte actuel, vous ne serez pas surpris d’apprendre que la multiplication de ces liens contribue à son instabilité.

Cela dit, dans l’affaire des pertes de la Caisse, il faut également se pencher sur le rôle d’autres intervenants comme les dirigeants de Coventree, Geoffrey Cornish et Dean Tai, qui ont tous deux été sévèrement sanctionnés par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) pour leur rôle dans cette affaire. Voici d’abord le communiqué émis par la CVMO à l’issue de son enquête :


28 septembre 2011 TORONTO – Dans une décision rendue publique aujourd’hui, un comité de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) a conclu que Coventree Inc., M. Geoffrey Cornish et M. Dean Tai, ont omis de s’acquitter de leurs obligations d’information continue, et que la conduite de Coventree et de MM. Cornish et Tai, en contrevenant au droit ontarien des valeurs mobilières, allait à l’encontre de l’intérêt public.

Le personnel [Note de RLH : les enquêteurs de la CVMO] avait allégué que Coventree avait omis de s’acquitter de ses obligations d’information continue en ne divulguant pas la décision prise par Dominion Bond Rating Service Limited (DBRS) en janvier 2007 de changer sa méthode de notation de crédit, ce qui a modifié de façon importante l’entreprise ou les activités de Coventree.

Le personnel avait également allégué que Coventree avait omis de s’acquitter de ses obligations d’information continue en ne divulguant pas la liquidité et des événements connexes, ni le risque d’une perturbation des marchés dans les jours qui ont précédé la perturbation du marché du PCAA, survenue en août 2007.

Dans sa décision, le comité a conclu que Coventree a enfreint la Loi sur les valeurs mobilières en omettant de publier et de déposer sans délai un communiqué divulguant les changements importants apportés à la suite de la publication d’un communiqué par DBRS en janvier 2007 et en omettant de publier et de déposer sans délai un communiqué divulguant les changements importants qui ont eu lieu avant la fermeture des marchés le 1er août 2007.

Le comité a également conclu que MM. Cornish et Tai ont autorisé ou permis la non-conformité de Coventree au droit ontarien des valeurs mobilières ou y ont acquiescé et sont réputés de ne pas l’avoir respecté.

Un comité de la CVMO a rejeté les allégations du personnel selon lesquelles Coventree avait omis d’assurer une divulgation complète, fidèle et claire dans son prospectus en ne divulguant pas le fait que DBRS avait adopté, en novembre 2006, des critères relatifs à la notation de crédit plus contraignants pour le PCAA, ainsi que les allégations selon lesquelles Coventree avait effectué des déclarations trompeuses importantes en avril 2007.

Une audience sur les sanctions dans cette affaire est en instance.

Un exemplaire des motifs et des décisions du comité de la CVMO relativement à l’affaire Coventree Inc., M. Geoffrey Cornish et M. Dean Tai est accessible sur le site Web de la CVMO à l’adresse www.osc.gov.on.ca.

La CVMO a pour mandat de protéger les investisseurs contre les pratiques déloyales, irrégulières ou frauduleuses et de favoriser des marchés financiers justes et efficaces en plus de promouvoir la confiance en ceux-ci. Nous invitons les investisseurs à vérifier l’inscription de toute personne ou compagnie offrant des occasions de placement et à consulter le matériel d’information de la CVMO à l’intention des investisseurs accessible à l’adresse www.osc.gov.on.ca .

Deux mois plus tard, la CVMO rendait sa décision sur les sanctions :

IT IS HEREBY ORDERED WITH RESPECT TO EACH OF CORNISH AND TAI THAT :

(e) pursuant to clause 6 of subsection 127(1) of the Act, each of Cornish and Tai be
reprimanded ;

(f) pursuant to clause 7 of subsection 127(1) of the Act, each of Cornish and Tai resign any positions he may hold as a director or officer of a reporting issuer, other than Coventree ;

(g) pursuant to clause 8 of subsection 127(1) of the Act, each of Cornish and Tai are
prohibited from becoming or acting as a director or officer of a reporting issuer, other than Coventree, for a period of one year ; and

(h) pursuant to clause 9 of subsection 127(1) of the Act, each of Cornish and Tai shall pay an administrative penalty of $500,000 ;

Geoffrey Cornish est un avocat et un ancien associé du cabinet Davies Ward Phillips & Vineberg, le même auquel est associé Lucien Bouchard. C’est également un diplômé de l’Université Western Ontario, tout comme Henri-Paul Rousseau. Rien ne nous permet cependant de tirer la moindre conclusion de ces coïncidences.

***

Restent enfin comme intervenants tous les employés de la Caisse qui ont été mêlés aux transactions avec Coventree. Le fait qu’il n’y ait eu aucune enquête sur la possibilité de négligence grossière ou de fraude à ce niveau est troublant, sauf si leurs supérieurs savaient pertinemment qu’ils avaient tout simplement agi selon les instructions qu’ils avaient reçues. Si ce n’avait pas été le cas, ils auraient été trop heureux de les lancer en pâture à la vindicte populaire.

On constate donc dans cette affaire que l’autorité compétente en Ontario s’est acquittée correctement de sa mission de protéger l’intérêt public pour les aspects qui relevaient d’elle, ce qui a pour effet de mettre crûment en relief l’incurie des autorités québécoises à quelque niveau que ce soit.

En effet, aucune enquête ou procédure administrative, criminelle ou civile n’a été entreprise contre qui que ce soit au Québec, même si les circonstances auraient pu le justifier. Dans une affaire de cette ampleur, on se serait au moins attendu à ce que l’Autorité des marchés financiers fasse enquête, comme la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario l’a fait.

En fait, l’absence de toute enquête ou procédure judiciaire nous suggère que nos autorités se sont livrées à une opération de camouflage sans précédent dans l’histoire du Québec.

Le 4 septembre prochain, il faut espérer que les Québécois en tiendront compte.

Et le 5 septembre, le nouveau (la nouvelle) premier (première) ministre devrait confier au vérificateur général le mandat de faire enquête sur toute cette affaire et de lui faire les recommandations opportunes dans les circonstances.

Encore faudrait-il que le nouveau premier ministre ne soit pas Jean Charest, celui-là même à qui nous devons ce fiasco historique.

 

En 2012, Charest n’a pas été élu dans son compté à Sherbrooke. Pauline Marois a pris le pouvoir pendant 18 mois.

L'austérité du gouvernement Couillard. 

Texte de Paul Bibeau le 7 février 2017 sur le site : mondialisation.ca

Revenons deux ans en arrière pour bien comprendre l’étendue des torts qu’a causés le parti Libéral à la population du Québec. Ce parti, qui n’a jamais eu le mandat de couper dans les services sociaux, a justifié les mesures dites d’austérité qu’il a mises en place dans les réseaux de la santé et de l’éducation et dans tous les services à la population en promettant qu’elles mèneraient le Québec à l’équilibre budgétaire sans mettre en danger les services sociaux. On connaît la suite : les conséquences de ces coupures ont été dramatiques pour la classe moyenne et pour les plus pauvres de notre société. En réorganisant le système de santé et en adoptant sous le bâillon la loi 10, le gouvernement a fragilisé un réseau déjà mis à mal par les coupures et autres remaniements antérieurs. Il a en outre placé les organisations syndicales sur la défensive, et le maraudage qui a débuté entre les centrales lui permettra de ne pas être importuné par celles-ci pendant un bon moment. Il pourra ainsi mettre en œuvre son plan bien établi, soit une privatisation beaucoup plus grande de notre réseau public. L’exemple des garderies est à ce titre très éloquent : depuis les coupures dans le réseau des CPE, le privé a le vent dans les voiles. Tous les réseaux de solidarité mis en place partout au Québec s’en trouvent fragilisés. Pour mieux saisir l’ampleur des coupures et de leurs effets dans les services publics, je vous invite à consulter le rapport annuel 2015-2016 du protecteur du citoyen.

 

Ce gouvernement utilise les mêmes méthodes dans le dossier de l’environnement. Dans le cas d’Énergie Est, il suspend le BAPE qui avait débuté au printemps passé en assurant qu’il va se conformer à ce qu’exige la législation québécoise sur l’environnement (après y avoir été contraint par le CQDE). Par la suite, il modifie le mandat du BAPE en excluant l’évaluation des gaz à effet de serre ainsi que les retombées économiques du projet, qu’il confie au Conseil du trésor. Par ailleurs, l’Assemblée nationale étudie en ce moment le projet de loi 102, qui diminue les pouvoirs du BAPE et donne ainsi aux instances fédérales plus de pouvoir dans notre juridiction provinciale. Cette stratégie vise évidemment à favoriser le projet de pipeline Énergie Est. À cet égard, le RVHQ (Regroupement vigilance hydrocarbures Québec) et le CQDE (Centre québécois du droit de l’environnement) ont produit chacun un mémoire sur la loi 102 et les dangers qu’elle représente. Le fait que le gouvernement se présente devant l’Office national de l’énergie (ONÉ) sans avoir tenu de BAPE sur son territoire en dit long sur la stratégie libérale. Il modifie les lois afin de contourner l’opposition citoyenne qui ne cesse de grandir contre ce projet qui menace la sécurité de nos terres et de nos cours d’eau. Appuyé par des firmes d’avocat et les lobbyistes des compagnies pétrolières telles que TransCanada, le gouvernement Couillard déjoue la démocratie et affaiblit nos institutions, qui devraient être là pour défendre l’intégrité du territoire québécois. Cette stratégie va favoriser une multinationale qui n’a aucun souci de notre sécurité. Encore une fois, les Libéraux favorisent l’industrie privée au détriment du bien commun.

Le gouvernement a utilisé la même stratégie dans le dossier de l’exploitation des hydrocarbures en adoptant sous le bâillon la loi 106 au mois de décembre. Le chapitre 4 de cette loi doit encadrer l’industrie des hydrocarbures. Les partis d’opposition, soutenus par le Front commun pour la transition énergétique, ont proposé de scinder ce projet de loi afin de prendre le temps de discuter en profondeur des risques de se lancer à nouveau dans l’exploitation des hydrocarbures et particulièrement des gaz de schiste. Mais la proposition a été rejetée. La réglementation afférente, qui sera édictée par le Conseil des ministres, va donc échapper à l’analyse de l’Assemblée nationale. Encore une fois, on va offrir sur un plateau d’argent notre sous-sol aux compagnies pétrolières qui n’auront pas à donner d’informations quant aux produits qu’elles vont utiliser pour extraire le gaz de schiste et polluer à leur guise nos terres et nos eaux.

Dernièrement, plusieurs centrales syndicales ont rejoint le Front commun pour la transition énergétique, qui regroupe plus de 50 organismes opposés aux projets d’exploitation des hydrocarbures en sol québécois et qui veulent une vraie transition énergétique. Il est plus que temps qu’on oppose à ce gouvernement un mouvement citoyen fort afin de stopper la privatisation de nos institutions et de notre territoire. Levons-nous contre ce gouvernement qui ne respecte pas nos droits démocratiques. Proposons d’autres solutions beaucoup plus durables qui nous permettront de créer des emplois à long terme et de préserver la qualité de vie des générations qui vont nous suivre. Impliquons-nous activement pour que les choses changent.

Paul Bibeau

Le 31 janvier 2017

L'austérité expliquée par Éric Pineault

L’idéologie derrière les mesures d’austérité - Éric Pineault

Le vol de l'assurance-emploi:

Un détournement de fond.

Texte de Gilbert Paquette écrit le 1 mai 2017 dans l’aut’journal :

En ce premier mai, Fête internationale des travailleuses et des travailleurs, il importe de dénoncer le régime d’assurance emploi au Canada, un régime dénaturé par Ottawa et inadapté aux besoins des personnes au travail, une responsabilité qui ne devrait pas relever d’Ottawa mais du Québec.

En 1941, à la faveur de la Deuxième Guerre Mondiale, la responsabilité de ce qu’on appelait alors « l’assurance chômage » fut décrétée de compétence fédérale. Cette responsabilité aurait du normalement être confiée aux provinces, responsables des politiques sociales et de la santé à l’égard de leurs citoyens selon la constitution de 1867, une constitution canadienne qui fut encore une fois violée comme à de nombreuses reprises avant et après cette date, depuis 150 ans.

Jusqu’en 1990, le fédéral contribua aux prestations de chômage à partir des revenus qu’il percevait auprès des citoyens canadiens, dont ceux du Québec. Depuis 1990, le régime se finance uniquement par les cotisations des employeurs et des salariés. Ce n’est donc pas un cadeau d’Ottawa. D’ailleurs, Ottawa ne fait jamais de cadeau. En 1996, le régime d’assurance-chômage prend le nom d’assurance-emploi. La « Caisse » d’assurance-emploi reste alors séparée des comptes du gouvernement et les fonds qui y sont accumulés d’année en année ne servent qu’aux prestations destinées aux chômeurs.

Un détournement de fonds

En 2008, coup de théâtre ! On passe de plus de 57 milliards de surplus accumulé dans la « Caisse » à un déficit de près de 5 milliards. La raison ? Le gouvernement a tout simplement décidé de procéder à lafermeture  du  compte  d’assurance-emploi pour intégrer le programme et les fonds au budget fédéral.  C’est donc d’un montant  de  57 milliards $ dont la Caisse a été délestée, un montant énorme servant désormais aux dépenses générales du gouvernement canadien. Ce véritable détournement de fonds à l’égard des travailleurs, décidé unilatéralement par Ottawa, a été dénoncé à de nombreuses reprises par tous les intervenants sans que rien n’y fasse. Il s’agit d’un vol scandaleux à ajouter au dossier noir du Canada.

En fait, les contributions des employés et des employeurs deviennent des taxes déguisées dont l’utilisation place le Gouvernement canadien en conflit d’intérêt. S’il a un problème de déficit ou d’autres priorités, rien ne l’empêche de réduire l’accès à l’Assurance emploi. La récente crise économique devait montrer à quel point le régime était déficient, son accès étant de plus en plus restreint. Au plus fort de la crise, en 2009, moins d’un chômeur sur deux avait accès à des prestations, pendant que se répandait la précarité des emplois au Canada et au Québec.

En 2013, la réforme annoncée et mise en œuvre par le gouvernement Harper accentuait ces tendances historiquement défavorables au soutien des personnes au travail, particulièrement au Québec, resserrant encore davantage l’accès aux prestations pour les « bénéficiaires fréquents », autrement dit, pour les travailleurs saisonniers.

À cause de sa structure industrielle, 40% des chômeurs saisonniers au Canada sont québécois. Cette réforme constituait  donc carrément une attaque directe contre le Québec.

Récemment en 2016, le gouvernement libéral corrigeait certaines de ces mesures. Un certain réinvestissement dans le budget de 2016 permettant, entre autres, d’allonger de cinq semaines la période de prestations pour les chômeurs de 12 régions canadiennes, dont Calgary et d’autres régions de l’Alberta. Aucune région du Québec ne fait partie de ces régions prioritaires. Encore une fois, Ottawa ignore les besoins du Québec.

 

L’abdication de la lutte à la précarité des emplois.

Plus largement, quel que soit le gouvernement, Ottawa a abdiqué ses responsabilités sociales usurpées en 1941. Comme le souligne un rapport de l’OCDE[1], l'inégalité des revenus a augmenté au cours des trois dernières décennies dans la plupart des économies avancées, les États-Unis et le Canada figurant parmi les pires pays.

Selon l'OCDE, les 1 % qui touchent les plus hauts revenus au Canada ont mis la main sur 37 % de la croissance du revenu enregistrée entre 1981 et 2012. Cet accroissement des écarts de revenu est surtout attribuable à la réduction des prestations d'assurance-emploi, d'assurance sociale ou des autres transferts aux personnes, destinées à corriger les inégalités engendrées par l’économie de marché.

Dans la lutte aux inégalités sociales depuis 150 ans, le partage des responsabilités entre Ottawa et Québec interdit la mise en place de solutions d’ensemble comme le font les pays scandinaves par exemple. De nombreux travailleurs ayant épuisé leurs prestations d’assurance emploi, ou n’y ayant pas accès, se retrouvent à l’aide sociale, grevant encore plus le budget du Québec, nous éloignant encore plus d’une solution. Il ne peut y avoir de politique de l’emploi sans un ensemble coordonné de mesures et de programmes. Seule l’indépendance permettra au Québec d’y parvenir.

Les libérations conditionnelles inconditionnelles?

 Libre de droits pris sur le site: https://pixabay.com

Les libérations conditionnelles sont accordées à une sentence automatiquement dans notre beau système de justice. Depuis quand les libérations conditionnelles sont-elles devenues inconditionnelles? Ne devraient-elles pas être données au mérite? L’histoire d’Alexandre Livernoche et de son meurtrier Mario Bastien est le plus bel exemple d’une libération conditionnelle injustifiée.

Mise à jour: 24/09/2001 04:00

texte provenant de Canöe 

Un après-midi, l'adolescent de 13 ans a téléphoné à sa mère pour lui dire qu'il se rendait chez un ami. Il ne devait jamais rentrer.

 

Alexandre Livernoche, 13 ans, a été assassiné l'an dernier par un détenu en libération conditionnelle, qui aurait dû se trouver derrière les barreaux au moment du drame.

 Mario Bastien, reconnu coupable de meurtre au premier degré, devra donc retourner derrière les barreaux pour un minimum de 25 ans avant d'être à nouveau admissible à une libération conditionnelle.

Auparavant, il avait purgé des peines d'un an de prison pour des cas de fraudes, de menaces et d'entrées par effraction. Et de 10 mois pour un autre cas d'entrée par effraction. Lors de cette deuxième peine d'emprisonnement, il a bénéficié d'une absence temporaire en mars 2000, avant le sixième de sa peine. À partir du mois de mai 2000, la commission des libérations conditionnelles aurait dû statuer sur son cas, mais comme le centre de détention de Sorel-Tracy était surpeuplé, Bastien est demeuré en liberté.

Après avoir plaidé non coupable à des accusations de meurtre au premier degré, Mario Bastien a finalement avoué son crime lors d'un interrogatoire avec les policiers. Le procès a été très médiatisé et s'est soldé par un verdict de culpabilité.

Cet homicide a provoqué une onde de choc du côté du gouvernement, le ministre de la Sécurité publique, Serge Ménard, ordonnant une révision du service des libérations conditionnelles à l'ex-recteur de l'UQAM Claude Corbo. Les résultats de cette étude confirment le flou total entourant les procédures qui mènent à des absences temporaires ou à des libérations conditionnelles.

Problèmes aux libérations conditionnelles : Ce n’est qu’une question de volonté politique

» Propos recueillis par Jean-François Cusson

Le 6 avril dernier, Yves Thériault participait à une discussion dans le cadre d’une activité organisée par le Centre international de criminologie comparée. Auteur du livre Tout le monde dehors ! (inspiré de la série Enquêtes sur les libérations conditionnelles diffusée au Canal D et produite par Sovimage), il a profité de l’occasion pour partager ses réflexions concernant l’encadrement des détenus et le fonctionnement des services correctionnels.

D’ÉTONNANTES RÉVÉLATIONS


Il y deux ans, Sovimage qui avait déjà produit, entre autres, les séries Des Crimes et des Hommes et Mission secrète (série sur l’espionnage au Canada) cherchait de nouveaux sujets de documentaires. Après avoir eu une discussion avec le journaliste de La Presse André Cédilot qui suivait attentivement les travaux des commissions des libérations conditionnelles, il était clair qu’il y avait là assez de matériel pour faire une série. Finalement, ce sont 8 émissions d’une heure qu’a produit Sovimage.

C’est en tant que journaliste et scénariste (il a écrit deux émissions) qu’Yves Thériault s’est joint à la série. Il a commencé par faire de la recherche et il a eu l’opportunité de recueillir les confidences, à micro fermé, d’intervenants qui travaillent dans le système correctionnel.

« Ces gens-là ne pouvaient pas parler devant les caméras, mais ils avaient beaucoup de choses à raconter. Suite à ces témoignages et en fouillant un peu plus, on voyait des choses qui nous interpellaient. Il y avait des choses qui ne faisaient pas de sens ».

Rapidement, l’équipe de production s’est rendu compte qu’il était impossible de tout inclure dans la série qui allait être télédiffusée à Canal D. « C’est là que l’idée du livre est venue. Je pense qu’on a visé juste, car, depuis la publication, il y a eu de nombreuses réactions ».

TOUT LE MONDE DEHORS ?

Il va de soi que le choix d’un titre aussi cinglant que Tout le monde dehors ! ne pouvait pas laisser le Québec indifférent et a sûrement contribué au succès de l’ouvrage et de la série. « Je sais bien que ce n’est pas vrai que tout le monde sort de prison aussi facilement, mais le titre permettait de soulever les aberrations que nous avons constatées au sein des services correctionnels ».

«Je crois qu’on a trop dévalué la libération conditionnelle. Il est maintenant temps qu’on fasse en sorte qu’elle soit vraiment accordée au mérite.»

Au départ, le livre devait présenter autant d’espace pour le système fédéral et provincial. L’affaire Bastien, à elle seule, occupe le tiers du livre. « Je pense qu’on a quand même réussi à vulgariser certains concepts et à montrer la distinction entre le provincial et le fédéral. Quand j’explique aux gens la différence entre ces deux systèmes, j’ai tendance à leur expliquer que le fédéral est comme la ligue nationale de hockey et que le provincial ressemble à une ligue de garage ».

Yves Thériault explique qu’il entretient plus de respect pour toutes les initiatives que l’on retrouve dans le système fédéral. Il prend le soin de rappeler qu’on y retrouve des spécialistes et des individus qui font un travail sérieux. « Au provincial, on refuse de faire des évaluations psychologiques parce que ça coûte trop cher ».

L’AFFAIRE BASTIEN


Toutefois, en approfondissant l’histoire entourant le meurtre d’Alexandre Livernoche, l’équipe de production a réalisé que cette histoire illustrait tout ce qui clochait avec le système des libérations conditionnelles. « Également, cette histoire dramatique permettait de démontrer le manque de volonté du gouvernement québécois d’assumer son rôle de protection du public ».

Yves Thériault soutient que pour quiconque examine le moindrement la feuille de route des décisions politiques au cours des dernières années, les carences des services correctionnels québécois ne sont pas surprenantes. Les Services correctionnels du Québec ont connu de nombreuses réductions budgétaires, des prisons ont été fermées aggravant les problèmes de surpopulation. Considérant que les programmes sont quasi inexistants, les difficultés informatiques, le manque de sérieux dans les évaluations et le manque de suivi lors de la période d’incarcération, il est presque surprenant qu’il n’y ait pas eu plus de situations dramatiques.

TROP MOUS ?


Pour le documentariste, il est nécessaire de questionner notre philosophie carcérale. Quand on le compare à d’autres systèmes, le Canada est très permissif, peut-être trop. « C’est certain qu’il ne faut pas en arriver à ce que l’on observe aux États-Unis. Par contre, je remarque que les Canadiens arrêtés en sol américain ont bien hâte d’être rapatriés au pays. J’ai l’impression qu’ici on donne beaucoup de chance à des gens qui n’en méritent peut-être pas ».

Yves Thériault considère que le système de libération conditionnelle canadien présente de grandes aberrations. Par exemple, il dénonce la procédure d’examen expéditif qui permet de libérer certains détenus de façon automatique au 1/6 de leur sentence et la libération d’office (au 2/3 de la peine) de détenus qui ne méritent pas toujours une libération. D’ailleurs, il se dit préoccupé par la faible utilisation du maintien en incarcération.

JETER LES CLÉS OU RÉINSÉRER ?


La réhabilitation sociale, Yves Thériault y croit. « J’achète les principes de base du système canadien et je comprends l’importance de libérer avant la fin de la peine. Le problème c’est qu’on a souvent l’impression que la libération conditionnelle est un droit plutôt qu’un privilège ».

Étant donné le court séjour des détenus dans les prisons provinciales, plusieurs soulèvent qu’il est difficile pour les services correctionnels du Québec de mettre en place des programmes pertinents. Pourtant, Yves Thériault avertit que c’est souvent pour ceux-ci qu’il est important de faire quelque chose. D’ailleurs, ce n’est pas parce qu’ils ont une peine de moins de deux ans qu’ils ne sont pas dangereux. « Plusieurs de ces détenus sont au début de leur carrière criminelle, c’est là qu’il faut agir. Il n’est pas acceptable d’accepter l’oisiveté à l’intérieur de nos prisons. Que ce soit en prison ou dehors, il faut faire quelque chose ».

Yves Thériault admet que le taux d’octroi des libérations conditionnelles ait pu diminuer au cours des dernières années, mais il rappelle, qu’il n’y a pas si longtemps : « on se pétait les bretelles en mettant en évidence des taux d’octroi élevé ».

LA VALEUR DE LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE


En ce qui concerne la libération d’office, Yves Thériault avoue avoir un véritable problème avec cette forme de mise en liberté. « Quand un individu n’est pas libéré plus tôt parce qu’il représente un risque, j’ai du mal à comprendre qu’on lui ouvre les portes. D’ailleurs, on le voit, ce sont ceux qui sont les plus problématiques qui récidivent le plus ».

Il avoue aussi entretenir certains doutes par rapport à l’encadrement que l’on peut offrir en communauté. Quelle protection peut-on offrir quand un individu passe toute la journée à l’extérieur de la maison de transition ? « Lorsqu’un individu ne réintègre pas la maison de transition à l’heure prévue, c’est sûr qu’on appelle la police, mais il y a bien des chances que le mal soit déjà fait ».

Yves Thériault considère qu’une des raisons pour lesquelles la mesure de libération conditionnelle est questionnée, c’est qu’elle ne semble plus avoir grande valeur. « Quand tout le monde peut être libéré avant la fin de sa peine et que la Loi prévoit même des mesures automatiques pour sortir les cas plus problématiques, il faut se questionner. Quel message envoie-t-on quand on libère ainsi ? Je crois qu’on a trop dévalué la libération conditionnelle. Il est maintenant temps qu’on fasse en sorte qu’elle soit vraiment accordée au mérite ». Il en profite aussi pour remettre en question les libérations à répétition. Il faut admettre, selon le journaliste, que certains individus ne sont pas récupérables.

UNE QUESTION DE VOLONTÉ


Comme suite au meurtre d’Alexandre Livernoche, le rapport Corbo, qu’il qualifie d’exceptionnel, a permis de vraiment comprendre le fonctionnement du système correctionnel. « Il s’agit d’un travail complet et lucide ». Pour corriger les lacunes dénoncées par ce rapport, le gouvernement a voté une loi à l’unanimité. Yves Thériault dénonce l’inaction du gouvernement qui réclamait, alors qu’il siégeait à l’opposition, la mise en vigueur de cette loi. Pour Yves Thériault, tout est une question de volonté politique.

« Autant au provincial qu’au fédéral, il va falloir comprendre que tout l’argent qu’on met au niveau de l’encadrement et des programmes », c’est de l’investissement plutôt que des dépenses ». Selon lui, si Québec ne se sent pas concerné par l’importance des programmes et qu’il ne veut rien faire, il n’a qu’à mandater le fédéral de s’occuper des détenus. Pour les détenus jugés problématiques, pourquoi ne pas examiner l’utilisation du bracelet électronique ?

Malgré toutes les anomalies qu’il a constatées au sein des différents services correctionnels et des organismes qui y sont associés, Yves Thériault assure qu’en aucun temps il ne désire critiquer le travail des intervenants.

« Être agent de libération conditionnelle, c’est le dernier emploi que je voudrais détenir. Ils ont des « case load » très élevés, ils doivent bien souvent couvrir un grand territoire et on remarque un haut taux d’absentéisme. En plus, ils ont tellement de travail, qu’ils sont incapables de rencontrer leurs détenus à une fréquence satisfaisante ».

Cependant, il n’est pas logique, selon lui, d’espérer que tous les détenus puissent être réhabilitables. Il constate aussi que certains intervenants perdent beaucoup d’énergie à jouer aux missionnaires avec des individus dont le potentiel de réinsertion est très faible.

Malgré tout, les intervenants professionnels ne sont pas responsables des ratés du système. D’ailleurs, leur présence et leur formation sont un atout essentiel. Les évaluations et les diagnostics ne peuvent pas, selon lui, se faire par des gardiens de prison. Le problème, c’est que ces professionnels vivent des conditions difficiles, et ce, surtout dans le système provincial.

« Sur le terrain, les intervenants n’ont d’autres choix que de travailler avec les outils qu’on veut bien leur donner. Tant et aussi longtemps que Québec refuse de mettre en vigueur la loi qu’on a votée, on peut malheureusement s’attendre à ce qu’il y ait d’autres événements dramatiques. Le projet de loi dort sur les tablettes. La mise en place coûterait 10 millions, et on vient d’apprendre que le gouvernement doit couper 500 millions. Où va-t-il prendre tout cet argent ? Encore une fois connaîtrons-nous des coupures importantes au niveau des services correctionnels ? »

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