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Les aberrations politiques 4

Le documentaire "Story of us"

UN MESSAGE CLAIR

Michel David 13 avril  2017-04-13

Il y a des excuses si tardives et si peu senties qu’elles donnent l’impression de tourner le fer dans la plaie. Celles de la CBC appartiennent à cette catégorie. « Nous reconnaissons que toutes les perspectives présentées ne font pas l’unanimité », peut-on lire dans son communiqué. Quelle perspicacité !

 

« Nous n’avons jamais eu l’intention d’offenser qui que ce soit », assure le télédiffuseur public du ROC. C’est bien là le pire : l’idée que cette fresque narcissique ait pu être blessante pour tous ceux qui ne font pas partie des héritiers de Wolfe n’a effleuré personne.

 

Malgré les nombreuses critiques qui leur ont été adressées, les auteurs de la série Canada : The Story of Us ont néanmoins le mérite de la franchise. Si quelqu’un avait encore le moindre doute sur la vision de l’histoire canadienne qui prévaut au Canada anglais, voilà maintenant celui-ci dissipé. Il n’est d’ailleurs pas question d’en interrompre la diffusion et le matériel scolaire qui en sera tiré est pratiquement prêt à être utilisé.

 

Cette vision est tout à fait cohérente avec la réalité constitutionnelle du Canada d’aujourd’hui. Les Québécois n’étaient pas partie à l’accord constitutionnel de 1982, tout comme leurs ancêtres français sont pratiquement absents de la fresque narcissique dont la CBC a voulu régaler ses téléspectateurs en ce 150e anniversaire de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (ANNB).

 

Le hasard a voulu que 2017 marque aussi le 30e anniversaire de l’accord du lac Meech, qui aurait reconnu le Québec comme « société distincte » si le Canada anglais ne l’avait pas rejeté trois ans plus tard. La série de la CBC réitère cette négation. La Nouvelle-France y apparaît au mieux comme un piédestal qui permettra à l’envahisseur anglo-saxon de former cette glorieuse nation du nord.

 

À l’en croire, les Français n’avaient pas réalisé l’extraordinaire potentiel de ce continent jusqu’à ce que d’intrépides Britanniques, comme MacKenzie, osent s’aventurer dans ses immensités. Les forges du Saint-Maurice ne fabriquaient que des babioles jusqu’à ce que le génie de Matthew Bell leur ouvre de nouveaux horizons, ouvrant ainsi la voie à des générations d’ambitieux entrepreneurs qui feront la fierté du capitalisme canadian.

 

On peut comprendre la déconvenue du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Jean-Marc Fournier, même si cet éternel optimiste a voulu voir dans cette nouvelle gifle une occasion de reprendre le dialogue avec le Canada anglais.

 

Vétéran des relations fédérales-provinciales, M. Fournier avait sans doute fait son deuil de la « société distincte » bien avant le premier ministre Couillard, qui a rêvé pendant un moment de faire coïncider une nouvelle entente avec le 150e anniversaire de l’ANNB, avant de réaliser que cela ne présentait aucun intérêt pour le reste du pays.

 

En lieu et place, M. Fournier est devenu le chantre de la francophonie pancanadienne. « Le 150e est l’occasion de rappeler que le français est la langue de l’exploration et de la fondation de notre pays », déclarait-il dans un enregistrement vidéo réalisé l’an dernier à l’occasion du Mois de la Francophonie. De toute évidence, son message n’a pas été entendu.

 

Il disait avoir découvert « une réalité canadienne où il y a un appétit pour le français, une légitimité nouvelle qui apparaît clairement », malgré l’évidence du contraire démontrée par les données de Statistique Canada. S’il y a une chose qui apparaît clairement dans la relecture de l’histoire faite par la CBC, c’est que M. Fournier était complètement dans le champ avec ses lunettes roses.

 

Soit, il y a eu quelques « embûches » dans le passé, concédait M. Fournier. Par exemple, le rapport Durham ou le règlement 17, qui avait interdit les écoles françaises en Ontario, mais « leurs effets néfastes ont été effacés », disait-il. Les auteurs de Canada : The Story of Us ont fait encore mieux : ils ont simplement effacé ces moments désagréables. Pour éviter d’évoquer la déportation des Acadiens, il suffisait d’oublier la fondation de Port-Royal. Et hop, le tour est joué ! Pour oublier la pendaison de Louis Riel, fera-t-on aussi disparaître les Métis ?

 

Devant le blocage constitutionnel, qui l’a fait renoncer à la voie tracée par ses prédécesseurs libéraux depuis la Révolution tranquille, le gouvernement Couillard s’est rabattu sur le nationalisme canadien-français qui prévalait avant la prise de conscience que les Québécois constituent une nation.

 

En cessant de revendiquer un statut que le Canada anglais n’était pas disposé à accorder au Québec, il espérait au moins préserver les vestiges de l’ancienne « dualité » basée sur la reconnaissance des « peuples fondateurs ». La série de la CBC lui envoie le message clair que le ROC la rejette aussi catégoriquement que la « société distincte ».

L'affaire Yves Michaud

L'affaire Michaud est une controverse survenue au Québec et qui a débuté en décembre 2000, au moment où Yves Michaud manifeste son intention de briguer l'investiture du Parti québécois dans la circonscription de Mercier

L'affaire débute le 5 décembre 2000 lors d'une entrevue radiophonique animée par Paul Arcand à la station de radio CKAC de Montréal. Yves Michaud y mentionne une anecdote faisant référence à une conversation tenue, chez son coiffeur, avec un sénateur juif :

« Bien, je vais vous raconter une anecdote. J'étais... je suis allé chez mon coiffeur il y a à peu près un mois. Il y avait un sénateur libéral que je ne nommerai pas qui ne parle pas... encore qu'il représente une circonscription de langue française et qui me demande: es-tu toujours séparatiste, Yves?" J'ai dit oui, oui je suis séparatiste comme tu es juif. Ça a pris à ton peuple 2000 ans pour avoir sa patrie en Israël. J'ai dit: moi, que ça prenne 10 ans, 50 ans, 100 ans de plus ça peut attendre. Alors il me dit: ce n'est pas pareil. Ce n'est jamais pareil pour eux. Alors j'ai dit: ce n'est pas pareil? Les Arméniens n'ont pas souffert, les Palestiniens ne souffrent pas, les Rwandais ne souffrent pas. J'ai dit: c'est toujours vous autres. Vous êtes le seul peuple au monde qui avez souffert dans l'histoire de l'humanité. »

— Yves Michaud, Entrevue avec Paul Arcand, 5 décembre 2003

Le 13 décembre, Yves Michaud se présente aux États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec. Lors de son témoignage, il invite les Québécois à suivre l'exemple de ce que le chanoine Groulx disait à propos du peuple juif :

« Mes propres concitoyens devraient suivre l’exemple de ce que le chanoine Groulx disait à propos du peuple juif. Le chanoine Groulx disait et nous invitait, et je le cite, "à posséder, comme les Juifs, leur âpre volonté de survivance, leur invincible esprit de solidarité, leur impérissable armature morale". Et l’historien donnait alors l’exemple du peuple juif comme modèle à suivre pour que les Québécois affirment leur propre identité nationale et assument, et assument pleinement, l’héritage de leur histoire, ajoutant que l’anti-sémitisme était "une attitude anti-chrétienne et que les Chrétiens sont, en un sens, spirituellement des Sémites". Fin de la citation »

— Yves Michaud, États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec, 13 décembre 20004,5

Le témoignage de Michaud a servi de base à une motion de blâme adoptée à l'unanimité et sans débat par l'Assemblée nationale du Québec le 14 décembre 2000, provoquant une crise importante au sein du Parti québécois entre les défenseurs et les détracteurs de Michaud.

Libellé de la motion.

Motion de blâme adoptée à l'Assemblée nationale, le 14 décembre 2000.

M. Bergman: M. le Président, une motion sans préavis.

« Que l'Assemblée nationale dénonce sans nuance, de façon claire et unanime, les propos inacceptables à l'égard des communautés ethniques et, en particulier, à l'égard de la communauté juive tenus par Yves Michaud à l'occasion des audiences des états généraux sur le français à Montréal le 13 décembre 2000. »

Signé du député libéral de D'Arcy-McGee, Lawrence S. Bergman (parti libéral du Québec) et du député péquiste de Sainte-Marie–Saint-JacquesAndré Boulerice.

En décembre 2010, sur une initiative de Paul Bégin, 19 députés cosignent et envoient une lettre à Michaud, présentant des « excuses les plus sincères pour les souffrances morales qu'il a dû injustement vivre suite à l'adoption de cette motion ». Cette lettre porte à 25 le nombre de députés ayant dit regretter le geste, dont notamment Louise BeaudoinAndré BoisclairBernard LandryJoseph Facal et Pauline Marois, bien que cette dernière ne se soit pas excusée.

En janvier 2011, un total de 51 députés péquistes ont exprimé leurs regrets ou excuses concernant l'Affaire Michaud.

En août 2012, Yves Michaud a lancé une publicité dans le journal Le Devoir afin de dénoncer les candidats électoraux n'ayant pas encore présenté d'excuses. Le Directeur Général des Élections (DGEQ) l'a sommé d'arrêter puisqu'il enfreignait la Loi électorale. En avril 2013, le DGEQ intente une poursuite contre Yves Michaud, lequel a promis de plaider non-coupable et de poursuivre le DGEQ en retour.

Affaire Yves Michaud - 15 ans plus tard

Références médiatiques

L'affaire Omar Kadr:

Honte au Canada!

Texte provenant de Wikipédia

 

Omar Ahmed Sayid Khadr (né le 19 septembre 1986), de son nom usuel Omar Khadr, est un citoyen canadien ayant été emprisonné au Camp de Guantánamo, à titre de détenu d'âge mineur, pendant une période de 10 ans.

Après avoir plaidé son innocence pendant des années, Omar Khadr a accepté de plaider coupable (le 25 octobre 2010) à cinq chefs d'accusation : (1) crimes de guerre, (2) meurtre du soldat américain Christopher Speer, (3) complot, (4) soutien matériel au terrorisme et (5) espionnage, en échange d'une peine réduite de sept ans de prison plus une année supplémentaire de détention à Guantanamo, les huit années qu'il y a déjà passées ne comptant pas. S'il plaidait innocent, Khadr risquait la prison à vie pour chacun de ces chefs d'accusation. Le 31 octobre 2010, le jury le condamne à 40 ans de prison. Il ne devra en purger que huit, faisant suite à l'entente entre les avocats de Khadr et ceux des États-Unis stipulant qu'il purgerait la peine la plus courte entre les huit ans de détention et la peine du jury.

Après l'élection de Barack Obama, l'avocat David Iglesias  qui avait été contraint de démissionner dans des circonstances polémiques fin 2006 (en), a été chargé, en tant que membre du Judge Advocate General's Corps, de remplir la fonction de procureur à son procès.

Au Canada, son dossier judiciaire a obtenu une couverture médiatique notable en 2009 notamment pour les violations de droits qu'il aurait subies3. Son procès a aussi alimenté une vive controverse en raison du refus catégorique du gouvernement canadien de le rapatrier. Omar Khadr a aussi affirmé à plusieurs reprises qu'il aurait été torturé et maltraité pendant sa détention à Guantanamo, Cuba.

Le 4 août 2011, Omar Khadr change d'avocats au Canada

Khadr est le cinquième enfant de la famille Khadr, des salafistes de Toronto. Formé à l'adolescence dans un camp d'entraînement d'Al-Qaïda, Khadr combattait aux côtés des talibans. Son père était un cadre d'Al Qaeda et un proche d'Oussama ben Laden4.

Après plusieurs mois de convalescence en détention à Bagram, il a été transféré au Camp de Guantánamo le 28 octobre 2002, où il est détenu jusqu’au 7 mai 2015. Omar Khadr a passé le tiers de sa vie enfermé à la base militaire de la baie de Guantánamo, à Cuba, où il aurait été exposé à des traitements cruels et inhumains. Il aurait été maintenu en isolement, battu, étranglé et menacé de viol par des interrogateurs qui auraient aussi bien utilisé des chiens pour l’humilier.

La justice militaire américaine lui reproche d’avoir tué le sergent Christopher Speer au moyen d’une grenade. Comme d'autres prisonniers du camp, il aurait été soumis à la torture, notamment à la privation de sommeil et au waterboarding. Les autorités américaines l'ont jugé devant un cour martiale comme un adulte.

Son dossier judiciaire est un cas unique, puisque le Canada est le seul pays occidental qui ait refusé de poursuivre l'extradition d'un de ses citoyens ou son rapatriement, malgré les exigences d'Amnesty International. En avril 2009, un tribunal fédéral canadien a déclaré que le premier ministre Stephen Harper avait l'obligation de demander aux États-Unis son rapatriement, ce que ce dernier refuse de faire. Le jugement de Khadr devant les commissions militaires a été suspendu depuis la décision de l'administration Obama.

En juillet 2009, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, un comité de surveillance du Service canadien du renseignement de sécurité, a blâmé ce dernier pour ses agissements envers Khadr pendant qu'il était interrogé par les forces armées américaines3. En octobre 2010, à la suite de l'annonce du plaidoyer de culpabilité de Khadr, l'ONU et le général Roméo Dallaire intercèdent en faveur de ce dernier. Dallaire expose aussi le cas devant le Sénat canadien en 2012, où il montre que, en fonction de la Convention sur les droits de l'enfant, convention que le Canada a contribué à promouvoir et qui est signée par 130 pays, Khadr était un « enfant soldat » et aurait dû être traité comme tel, ainsi que l'a reconnu la Cour Suprême du Canada.

En novembre 2011, le gouvernement conservateur canadien ne souhaite pas rapatrier Omar Khadr. Pourtant, une entente Canada-États-Unis avait stipulé un tel rapatriement, une année après le début de la peine d’emprisonnement, débuté le 1er novembre 2010. Le ministre de la sécurité publique du Canada invoque des délais administratif de 18 mois en moyenne, avant de statuer sur un éventuel rapatriement d'Omar. Le 29 septembre 2012, Omar Khadr fut rapatrié au Canada.

Omar Khadr est libéré sous caution le 7 mai 201510. En mai 2015, Kadhr obtient une liberté sous caution et habite chez son avocat Dennis Edney11. En 2016, le gouvernement canadien abandonne les procédures judiciaires à son encontre. Kadhr habite toujours chez son avocat et fait des études pour devenir ambulancier paramédica.

Le 11 octobre 2008, l'émission Enquête, de la Société Radio-Canada, produit un reportage sur une enquête exhaustive sur ce qui est reproché à Omar Khadr. Lors du bombardement qui a précédé l'attaque au sol, par les Américains, Khadr a été blessé aux yeux et l'enquêteur américain a écrit qu'il se demandait comment Khadr aurait pu lancer une grenade, étant donné l'étendue des blessures qu'il avait aux yeux. Selon les photos, les blessures à la poitrine de Khadr sont des sorties de balles et qu'il a été tiré dans le dos. L'un des principaux soldats américains déclare avoir vu un combattant tirer avec un AK-47. Le soldat l'a alors abattu. Le même soldat a alors vu, dans le même couloir, Khadr, face contre un mur. Ce soldat affirme lui avoir tiré dans le dos. De plus, l'affirmation officielle selon laquelle seul Khadr était encore vivant après le bombardement, est contredite par les soldats américains présents. Un rapport, écrit le lendemain de l'attaque, d'un des chefs de commando américain affirme que celui qui a lancé la grenade a été tué par le commando. Quelques jours après, le rapport officiel a été corrigé, pour retirer cette affirmation. Le reste du reportage relate les mauvais traitements qu'aurait subis Khadr et la vraisemblable implication des services de renseignements canadiens dans ces mauvais traitements. Alors qu'il est interné à Millhaven, Omar Khadr prépare une poursuite de 10 millions de dollars contre le gouvernement canadien.

En 2010, les cinéastes Patricio Henriquez et Luc Côté présentent Vous n'aimez pas la vérité, un film sur Omar Khadr articulé autour des enregistrements de son interrogatoire réalisé par deux agents du SCRS en 2003. L'enregistrement, qui s'étale sur quatre jours, dure près de huit heures. À travers cet interrogatoire, les cinéastes donnent la parole à des intervenants qui ont été impliqués de près avec Omar Khadr, notamment des prisonniers qui ont été en contact avec lui pendant leurs séjours respectifs et qui sont aujourd'hui libres. Le film prend position en faveur de sa libération, Khadr étant le seul ressortissant d'un pays occidental encore en détention à la prison de Guantanamo.

La professeure de droit international Fannie Lafontaine se réjouit que les questions liées au dossier fortement médiatisé de Khadr aient fini par être débattues devant des « tribunaux indépendants et impartiaux », considérant que « l'acharnement politique à s'immiscer dans le débat aurait de quoi ébranler notre confiance en l'État de droit

Reportage de l'émission "Enquête"

Finalement, en 2017, Omar Kadhr a reçu 10 millions du gouvernement Trudeau en compensation de sa demande de 20 millions. Les citoyens sont divisés sur cette indemnisation et la femme du soldat Speer qui a été tué par la bombe qu'aurait lancé Kadhr, rèclame à celui-ci 134 millions. Le docteur qui a sauvé la vie d'Omar Kadhr a donné son point de vue sur le dédommagement qu'il a reçu du gouvernement Canadien dans le journal "Le devoir". 

Le scandale des femmes autochtones assassinées

Le Canada abandonne les femmes autochtones à leur sort

par Marie-Hélène Côté

4 mai 2005

L’Association des femmes autochtones du Canada estime qu’au cours des vingt dernières années, au moins 500 femmes autochtones à travers le Canada seraient disparues et pourraient avoir été assassinées. En mars 2004, face à l’indifférence et à l’impunité, elle a lancé la campagne Sœurs d’esprit, afin de sensibiliser la population à ce drame, de faire connaître les violences que vivent les femmes autochtones et de rendre justice et honneur aux disparues.

 

Depuis 2002, la médiatisation de l’affaire Pickton a fait une brèche importante dans le mur de silence entourant les disparitions et les meurtres de femmes autochtones. Robert Pickton est en attente de jugement pour 22 meurtres de femmes, dont les corps ou des traces d’ADN ont été retrouvés sur sa ferme d’élevage de porcs, à Port Coquitlam, en Colombie Britannique, dans ce qui est maintenant la plus importante enquête pour meurtres en série au Canada. Les victimes de Pickton provenaient du quartier Downtown Eastside de Vancouver, d’où sont disparues une soixantaine de femmes dans les dix dernières années. Il s’est avéré que la proportion d’autochtones parmi les victimes et les disparues est beaucoup plus élevée que dans la population de Vancouver.

Toutefois, cette histoire sordide ne représente que la pointe d’un iceberg de violences racistes et sexistes que les groupes de femmes autochtones voyaient se profiler depuis longtemps. En effet, plusieurs autres cas de disparitions, de viols et de meurtres de femmes autochtones n’ont attiré l’attention des médias et du public que lorsqu’ils impliquaient aussi des femmes non autochtones. Certains de ces cas ont fait ou font présentement l’objet d’enquêtes, mais beaucoup d’autres demeurent inexpliqués et ne figurent même pas dans les statistiques. Car les médias ne sont pas les seuls à réserver un traitement différent aux autochtones : les autorités policières, judiciaires et politiques sont aussi coupables de cette discrimination. 


De façon générale, l’indifférence, l’incompréhension et la négligence caractérisent les interventions des autorités. Des familles des femmes disparues ont rapporté le peu d’empressement des policiers à constituer un dossier et à entreprendre des recherches, de même que leur mépris à l’égard des victimes et de leurs familles qui sont rarement tenues au courant du développement des enquêtes.

Les familles ont aussi dénoncé, de pair avec les groupes de femmes autochtones, les failles du système de justice en ce qui concerne les autochtones. Le cas de Helen Betty Osborne, une étudiante de 19 ans enlevée, battue, violée et assassinée en 1971, près de The Pas, au Manitoba, en fournit des exemples troublants : quatre présumés coupables avaient été identifiés par les policiers quelques mois après le crime, mais il a fallu attendre 16 ans pour qu’ils soient jugés et que l’un d’eux soit déclaré coupable. En 2003, une cousine de Betty Osborne, Felicia Solomon, âgée de 16 ans, est disparue sur le chemin de retour de l’école, à Winnipeg. Les policiers ont tardé à prendre l’affaire au sérieux et à publier un avis de recherche. Des parties du corps de Felicia Solomon ont été retrouvées deux mois plus tard, mais son assassin n’a pas encore été identifié.

Sœurs d’esprit

Grâce à la lutte acharnée des organisations de femmes autochtones, les situations de violences vécues par les femmes en milieu autochtone sont mieux connues du grand public et des gouvernements depuis quelques années. Cependant, les formes de violence en milieux majoritairement non autochtones, souvent alimentées par des préjugés raciaux et sexistes, ont été maintes fois dénoncées mais ne sont pas bien documentées et demeurent méconnues. C’est pourquoi l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), un regroupement d’organisations représentant aussi des femmes métisses, a entrepris la campagne Sœurs d’esprit, en mars 2004.

L’AFAC croit que la sensibilisation de la société canadienne à ce phénomène est un premier pas important vers le changement. Elle a donc pour objectifs d’éduquer le public aux causes de la violence que vivent les femmes autochtones et d’organiser des ateliers sur les disparues et leurs familles. De plus, elle a élaboré un projet de recherche pour documenter le nombre de disparitions et d’assassinats ainsi que les circonstances les entourant, afin de rendre hommage et justice aux disparues. La campagne a été l’occasion d’interpeller particulièrement le gouvernement fédéral en lui demandant un appui financier de l’ordre de 10 millions de dollars pour la réalisation du plan d’action mis de l’avant par l’AFAC, qui comporte aussi la révision de certains cas et la création de lignes téléphoniques d’urgence.

Le dépôt du rapport d’Amnistie internationale On a volé la vie de nos sœurs : discrimination et violence contre les femmes autochtones au Canada, en août 2004, a donné une résonance considérable aux préoccupations des femmes autochtones. Ce rapport, s’appuyant sur d’importantes recherches, des témoignages d’organisations autochtones et neuf études de cas provenant de quelques villes de l’ouest du Canada, démontre les difficultés rencontrées pour évaluer l’ampleur et les caractéristiques de ces violences et confirme ainsi le besoin urgent de recenser et de documenter les violences contre les femmes autochtones.

Un fardeau historique

Malgré les zones d’ombre observées, Amnistie est catégorique : « quel que soit le nombre exact de femmes assassinées ou portées disparues, leur sort n’a de toute façon pas fait l’objet d’une attention suffisante de la part des autorités canadiennes. ». L’organisation rappelle au gouvernement canadien son obligation d’assurer le respect des droits humains de ses citoyens et citoyennes et, plus particulièrement, d’éliminer toutes les formes de discrimination envers les femmes. De même, elle a présenté des recommandations concrètes concernant, notamment, le personnel policier et judiciaire, le financement d’études et de services de première ligne ainsi que la mise en œuvre de mesures pour combattre la marginalisation des femmes autochtones.

Le rapport On a volé la vie de nos sœurs pointe les conséquences de siècles de racisme, de colonialisme et de violence institutionnelle envers les peuples des Premières nations comme autant de facteurs contribuant à la vulnérabilité des femmes autochtones. Amnistie dénonce les politiques gouvernementales visant à assimiler et à exploiter les Premières nations, telles la Loi sur les Indiens, la scolarisation des enfants dans des pensionnats hors communauté et le contrôle de leurs terres et de ses ressources. « Toutes ces politiques ont eu pour conséquences une érosion de la culture autochtone, le déracinement de générations de femmes autochtones, la séparation des enfants de leurs parents et un engrenage de pauvreté, de désespoir et de manque de respect de soi qui continue de frapper de nombreuses familles autochtones », peut-on lire dans le rapport. Les coûts sociaux de ces politiques affectent davantage les femmes et sont souvent à l’origine de leur décision de quitter les communautés dans l’espoir d’un avenir meilleur à la ville. Toutefois, en milieu majoritairement non autochtone, ces femmes se retrouvent dans des situations de marginalisation sociale et économique graves, pouvant les pousser vers la rue, la dépendance aux paradis artificiels et la prostitution, et les rendant très vulnérables.

La situation au Québec

Cynthia Kudjick, une femme des Premières nations, a été la première victime de meurtre de l’année 2005 à Montréal. Le 3 janvier 2005, elle a été sauvagement battue puis laissée pour morte dans la rue. Elle s’est traînée à la recherche de secours, mais s’est heurtée à l’indifférence générale, probablement parce qu’elle était une prostituée autochtone et toxicomane. Des ambulanciers l’ont trouvée inconsciente sur le trottoir et l’ont emmenée à l’hôpital où elle est décédée peu après. Aucun suspect n’a encore été arrêté relativement à cet assassinat.

Montréal est la 10e ville en importance au Canada quant à sa population autochtone, inuite et métisse : elle compterait environ 10 000 membres des Premières nations et 800 à 1000 d’entre eux se retrouveraient dans la rue au cours d’une année, apprenait-on dans un dossier portant sur les sans-abri autochtones, publié par Le Devoir (éditions du 26-27 février et du 28 février 2005). Les organisations de première ligne, comme le Centre d’amitié autochtone de Montréal et le Foyer d’hébergement pour femmes autochtones de Montréal, connaissent bien les besoins nombreux et diversifiés de leur clientèle, mais n’arrivent pas à les combler. La population autochtone de Montréal (de même que ses besoins) ont été sous-évalués par les gouvernements et, par conséquent, on constate un manque criant de ressources disponibles, rapporte Le Devoir.

Le phénomène de violence contre les femmes dans les milieux urbains et majoritairement non autochtones du Québec demeure méconnu et mal documenté, selon France Robertson, coordonnatrice du dossier « promotion à la non-violence et maisons d’hébergement » à l’Association des femmes autochtones du Québec (FAQ). Cette association, regroupant des organisations locales et urbaines qui représentent les femmes des différentes nations, a fait la promotion de la campagne Sœurs d’esprit et a récolté plusieurs appuis provenant des nations du Québec, ce qui indique que ces préoccupations ne concernent pas seulement les populations de l’ouest du Canada.

Solidarité sans frontière

 

À l’aube de la clôture de la campagne Sœurs d’esprit, à la fin mars 2005, Sherry Lewis, directrice exécutive de l’Association femmes autochtones du Canada, s’est dite très satisfaite de l’appui reçu des organisations amies à travers le Canada et de la population. « La réponse du gouvernement s’annonce positive, mais ce serait moins que les 10 millions demandés et, au lieu d’être un financement pour un programme de deux ans, les fonds s’étaleraient sur cinq ans », a-t-elle commenté. « Nous connaîtrons la réponse officielle du gouvernement le 1er avril et ensuite, nous commencerons à travailler à la mise en œuvre du programme. »

Dernièrement, la campagne a reçu des appuis importants lors de la 49e session de la Commission de la condition de la femme de l’ONU (Beijing +10) qui s’est tenue au début mars 2005 à New York. Cette solidarité s’inscrit dans un mouvement global de dénonciation des violences contre les femmes qui prend de l’ampleur d’année en année, comme en témoigne la tenue du colloque organisé par l’Entraide missionnaire « Violences contre les femmes et impunité en Amérique latine », les 8 et 9 avril 2005 à l’UQAM. Les féminicides qui ont lieu à Ciudad Juárez (au Mexique), au Guatemala, en Colombie et au Canada y seront discutés. Si l’impunité, la négligence et le mépris envers les victimes ne se limitent pas aux « pays du Sud », que la solidarité transcende, elle aussi, toutes les frontières.

Manon Cornellier 

 

9 mai 2014 dans le journal "Le devoir"

Le chiffre a eu l’effet d’une bombe. Ce ne sont pas 600 ou 800 femmes autochtones qui ont été tuées ou qui sont disparues depuis les 30 dernières années au pays, mais environ 1 160. On parle de 1 000 assassinats et de 160 disparitions, les deux tiers suspectes, selon un relevé fait par la Gendarmerie royale du Canada (GRC).


Une bombe ? Mais dont on ne parlait déjà plus trois jours plus tard. Trop de nouvelles, pas assez d’espace.

Et pourtant ! Comme le faisait remarquer le chef du NPD, Thomas Mulcair, quand les chiffres sont sortis le 1er mai, si autant de femmes étaient rapportées tuées ou disparues dans la région d’Ottawa-Gatineau — dont la population est à peu près équivalente à la population autochtone —, on s’empresserait de faire la lumière sur cette histoire.

Mais voici tout ce que le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, a trouvé à répondre : «Si le chef de l’opposition officielle veut vraiment changer les choses, je l’invite à appuyer le budget du gouvernement conservateur de 2014, qui prévoit un montant de 25 millions de dollars pour une stratégie visant à s’attaquer précisément à l’enjeu des femmes autochtones disparues ou assassinées».

Et d’ajouter, peu après, qu’il était fier «en tant que père» d’avoir «appuyé plus de 30 mesures visant à rendre nos rues plus sûres, notamment en prévoyant des peines plus sévères en cas de meurtre, d’agression sexuelle et d’enlèvement».

Peu importe le mérite des mesures qu’il propose, elles ne répondent pas aux questions fondamentales que bien des gens se posent. Pourquoi ces drames se répètent-ils ? Pourquoi les femmes autochtones semblent ciblées ? Et pourquoi ces crimes ne sont pas, pour une bonne part, résolus ?

Les femmes autochtones représentent 4 % des femmes canadiennes, mais 16 % des femmes assassinées et 12 % des femmes disparues. C’est la GRC elle-même qui le dit. Une proportion équivalente de femmes blanches subirait le même sort que ce serait le branle-bas de combat.

Qu’a peur de découvrir le gouvernement fédéral ? Des faux pas ? Des bavures ? Une discrimination systémique de la part de la GRC, qui agit comme police provinciale dans les provinces de l’Ouest — où la très grande majorité des meurtres et des disparitions ont eu lieu ?

Il n’y a pas de raisons logiques derrière ce refus de faire la lumière sur les causes de cette tragédie. Les provinces ont demandé une enquête, tout comme les organisations autochtones, inuites et métisses, de même que les groupes de femmes, Amnistie Internationale, Human Rights Watch (HRW)…

Dans son rapport final, la commission d’enquête sur l’affaire Pickton, mise sur pied par le gouvernement de Colombie-Britannique, a elle aussi recommandé la création d’une commission d’enquête publique sur le cas précis des femmes autochtones.

Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a évoqué ce drame dans ses deux derniers rapports d’examen périodique de la situation au Canada. Dans celui de l’an dernier, plusieurs pays, dont la Norvège, la Suisse, l’Irlande et la Nouvelle-Zélande, ont recommandé l’adoption d’un plan national d’action ou la mise sur pied d’une commission d’enquête. Le Canada a rejeté les deux.

Le gouvernement n’a cédé qu’un pouce lors de la mobilisation autochtone de l’hiver 2013, et après la publication d’un rapport dévastateur d’Human Rights Watch sur le traitement réservé aux femmes autochtones par la GRC dans le nord de la Colombie-Britannique. Il a accepté la création d’un comité parlementaire spécial sur la violence faite aux femmes autochtones — un comité qui n’a fait que répéter ce que celui de la condition féminine avait fait avant lui, deux ans plus tôt (et sans que le gouvernement ne daigne répondre à son rapport).

Ce comité spécial a rendu son rapport en mars, et la majorité conservatrice a vu au grain. Elle a écarté, malgré la demande presque unanime des témoins, l’idée d’une commission d’enquête, ne proposant que le statu quo (ou presque).

Le seul et mince espoir qu’il reste pour faire un peu la lumière sur toute cette affaire est la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada (CPP), à qui le gouvernement a transmis le rapport de HRW. Elle a entrepris l’analyse de 100 000 dossiers des détachements du nord de la Colombie-Britannique. Toutefois, ses conclusions, attendues d’ici un an, porteront exclusivement sur la conduite de certains membres de la GRC.

Cela ne peut être un substitut à une commission d’enquête, avec l’argent, les ressources en matière de recherche et les pouvoirs étendus qui viendraient avec.

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